"La Grande Guerre" est l'une des œuvres du cycle consacrée au caché et au visible, ainsi qu'au célèbre "Le fils de l'homme" et "L'homme au chapeau melon", créé le même 1964. Ces œuvres surréalistes de Magritte offrent au spectateur une variété d'interprétations basées à la fois sur le contenu des œuvres et sur leurs titres, qui jouent le rôle d'une sorte de clés pour déchiffrer les mystères de l'artiste.
Dans le tableau, nous voyons une femme riche, vêtue d'une élégante robe blanche, debout devant un mur de briques sur fond de l'océan. En utilisant une technique souvent trouvée dans son travail, Magritte place un objet plus petit devant un plus grand, masquant une partie de l'objet en arrière-plan. Dans cette œuvre, Magritte place un bouquet de lilas devant le visage d'une femme, cachant son identité au spectateur, faisant ainsi se demander si ses vêtements coûteux, un sac à main exquis décoré de perles et de broderies, un chapeau à plumes, un parasol élaboré sont plus importants que son visage?
Le critique d'art Patrick Waldberg, proche des surréalistes, cite Magritte comme disant: «L'intéressant dans ces peintures est la présence du visible ouvert et du visible caché qui soudainement fait irruption dans notre conscience, qui dans la nature ne sont jamais séparés de chacun. autre. Le visible cache toujours un autre visible derrière lui. Mes peintures révèlent simplement cet état de fait de manière directe et inattendue. Entre ce que le monde nous offre comme visible, et ce que ce donné visible en dessous cache, se joue une certaine action. Cette action est visible, et c'est comme une lutte, et par conséquent le nom «Grande Guerre» reproduit son contenu avec suffisamment de précision ».
Si le tableau représentant une femme est moins connu que l'œuvre associée "Le Fils de l'homme", ses interprétations sont tout aussi variées. Le nom «La Grande Guerre» fait évidemment référence aux événements sanglants du XXe siècle: cachant le visage d'une femme avec un beau bouquet, l'artiste semble laisser entendre que le visage de la guerre peut être bien plus monstrueux que sa robe, tissée de promesses et espoirs trompeurs, et la guerre elle-même est une violence impersonnelle qui détruit le mode de vie habituel et les destinées humaines.
La tenue de femme joue également un rôle important dans la compréhension de ce travail: lorsqu'un soldat meurt au front, fiancé à une fille, elle reste, en fait, une éternelle épouse, une veuve en blanc. Un bouquet de violettes - symbole d'innocence et de tendresse, comme un bouquet de mariée - renforce cette impression. Cachant le visage, ce bouquet semble cacher le chagrin et le deuil aux regards indiscrets, ne laissant qu'un rappel symbolique de ce que la guerre peut priver. Nous ne savons rien de cette femme, ni de l'homme à qui elle a été promise - seulement de ce qui leur est arrivé.
Le nom même des fleurs violettes (viollette - fr.) Fait allusion associative à la violence (viol, violence - fr.), Qui est la guerre et qui, apparemment, a séparé à jamais les amoureux. Magritte a écrit ce travail trois ans avant sa mort, en tant qu'homme d'âge moyen qui avait survécu aux horreurs de deux guerres mondiales.
Peut-être que l'artiste a exprimé son chagrin à propos de ces événements en représentant métaphoriquement une mariée avec un bouquet de mariée déjà inutile, condamnée à rester dans une robe de mariée blanche, seule sur une jetée le long de la mer déserte.
Auteur: Yulia Rakitina